lundi 7 mars 2016

quand on ignore le sens juridique de l'imitation ou de la contrefaçon


Dans un communiqué du Ministère de la Santé publique il a été signalé que les services du Ministère de la Santé ont détecté l’existence sur le marché d’un complément alimentaire imité et prévient le public usager des conséquences de la consommation de ce produit appelé RECALCIFIT du laboratoire français Chênes Pharma.
Le même communiqué appelle les citoyens à consulter le médecin traitant et appellent également les médecins à ne plus le prescrire et les pharmaciens à ne plus le vendre, et ce, à titre préventif jusqu’à l’obtention des résultats de l’enquête conduite actuellement.
D’après ce communiqué la Direction de la Pharmacie a relevé la commercialisation d’un produit douteux et d’ajouter qu’il est existe « l’absence du conditionnement préalable ».
Ce communiqué interpelle à plus d’un titre. L’article 8 de la loi n°85-91 du 22 Novembre 1985, réglementant la fabrication et l’enregistrement des médicaments destinés à la médecine humaine, stipule que « L’autorisation de mise sur le marché d’un médicament est délivrée pour une période de 5 ans, elle est renouvelable par périodes quinquennales. » Il n’est nullement question d’AMM pour les produits PARA.
Du produit :
S’agit-il d’un médicament ou d’un produit parapharmaceutique ?
S’il s’agit d’un médicament, alors il y a eu délivrance d’une AMM, auquel cas le suivi et le contrôle du Ministère devraient être permanents et qu’il n’est pas permis au Ministère d’attendre que les citoyens l’informent de l’existence d’un produit malsain.
S’il s’agit d’un produit para, alors le contrôle n’est plus du ressort exclusif du Ministère de la Santé mais appartient à tous les corps de contrôle, y compris ceux du Ministère du Commerce, notamment. puisqu’il s’agit d’un complément alimentaire tout comme les produits de ce genre, qui circulent et qui sont consommés par les sportifs par exemple et qui se trouvent dans les salles de sport sans le moindre contrôle et qui peuvent être aussi dangereux.
Cependant « l’absence de conditionnement préalable » a été évoquée et cela nous pousse à nous demander, s’il s’agit de produit para. Dans ce cas, il y a bien une défaillance règlementaire dans la mesure où le contrôle n’est pas effectué de la part de la DPM, sinon il aurait fallu le généraliser à tous les produits d’hygiène et de soins du corps qui se vendent dans les pharmacies. D’ailleurs le moment est venu peut-être, pour s’occuper du contrôle à priori et concomitant des produits PARA qui se vendent dans les pharmacies qui constituent un lieu de confiance pour les consommateurs.
A ce propos le secteur de la parapharmacie, appelle du Ministère une attention plus accrue, car on trouve des produits commercialisés par les pharmacies censés l’être exclusivement, et qui sont également commercialisés par les commerces de la parapharmacie. Une règlementation du secteur s’impose ou devrait s’améliorer.
De l’imitation ou de la contrefaçon :
L’imitation et la contrefaçon sont régies par une autre législation et règlementation à savoir celle relatives aux marques, aux brevets et aux dessins et modèles industriels. Je cite la Loi n° 2001-36 du 17 avril 2001, relative à la protection des marques de fabrique, de commerce et de services, la loi n° 2000-84 du 24 août 2000, relative aux brevets d’invention et la loi n° 2001-21 du 6 février 2001, relative à la protection des dessins et modèles industriels
En effet quand on parle d’imitation il faut revenir aux dispositions de ces lois et décrets qui précisent que seule la Justice est en droit de se prononcer sur l’imitation et la contrefaçon et ce, sur la base notamment de protection des éléments incriminés.
Ainsi, si on évoque l’imitation, il faut que celle-ci soit établie sur l’élément fondamental, en l’occurrence l’enregistrement de la marque, du brevet d’invention ou du modèle.
La circulation dans le commerce d’un produit sans enregistrement, certes permise, ne donne pas droit à son exploitant de prétendre à son exploitation exclusive. En d’autres termes, celui qui ne prend pas la peine d’enregistrer sa marque, son modèle ou son invention en Tunisie, ne dispose d’aucun droit de propriété même s’il s’agit d’exploitants étrangers dont l’exploitation se fait directement par lui ou par son représentant local.
Dans ce cadre, on est en droit de se poser la question de savoir comment le Ministère de la Santé, évoque dans son communiqué l’imitation ou la contrefaçon face à un produit qui n’est pas un médicament « s’il n’y a pas eu délivrance d’une AMM » ou un produit para dont le regard ne le lui appartient pas exclusivement et notamment en matière de protection de la marque, du modèle ou de l’invention.
Par conséquent, le Ministère de la Santé n’est en droit d’agir que sous le vocable « Sauvegarde de la Santé de la population » et non sur l’imitation ou le doute de l’imitation.
Le Communiqué du Ministère devait se limiter à annoncer le retrait d’un produit du marché sans se prononcer sur une raison autre que celle relative à la Santé.
Parce que nous sommes dans un pays qui reconnait le droit de chacun, la question qui se pose est celle qui consiste à dire que fera le Ministère de la Santé quand le détenteur du produit incriminé prouvera que l’imitation n’existe pas et que le Ministère de la Santé était dans le tort sur la question de l’imitation. Ceci peut amener le Ministère à réparer le préjudice causé par son communiqué.
La Direction de la Pharmacie est appelée à fournir des explications quant à l’usage du terme IMITATION
Imitation par rapport à quoi ? A l’usage de la marque, est-elle d’abord protégée en Tunisie ?
Imitation de l’invention,  invention de qui, et est-ce qu’il y a eu délivrance d’un brevet en Tunisie et est-il encore en vigueur ? Le constat de l’absence du conditionnement préalable donne-t-il le droit au Ministère de la Santé pour se prononcer sur l’existence ou l’inexistence d’une imitation ?

MAATOUG Nour-Essaid
Conseil en Propriété Industrielle



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